Vaccin anti coronavirus : le Président russe teste le vaccin sur sa fille

Vaccin anti coronavirus : le Président russe teste le vaccin sur sa fille

[Mise à jour le mardi 11 août 2020 à 13h06] Alors que l'épidémie de coronavirus progresse à nouveau en France et poursuit sa redoutable avancée dans de nombreux pays du monde, le président russe Vladimir Poutine annonce le 11 août que l'une de ses filles a reçu le premier vaccin que le pays annonce avoir développé contre le Covid-19, selon l'agence Interfax, peu de temps après avoir annoncé son homologation. Le président russe estime que le vaccin baptisé "Spoutnik V" (V comme vaccin), en référence au satellite soviétique, premier engin spatial mis en orbite, devrait être mis en circulation au 1er janvier 2021. La production industrielle du vaccin serait lancée dès septembre, selon une source officielle russe. Les scientifiques étrangers ont exprimé leur préoccupation face à la rapidité de la mise au point d'un tel vaccin. Par ailleurs l'Indonésie annonce le 11 août avoir commencé à tester le candidat vaccin chinois Coronavac contre le Covid-19 sur 1.600 volontaires. Ce vaccin est mis au point par le laboratoire Sinovac Biotech et fait partie des rares vaccins à être dans la dernière étape des essais cliniques (en phase III) avant l'homologation. Il est également en cours de test au Brésil auprès de 9000 volontaires. Quant au vaccin mis au point par la société américaine Moderna, il est entré dans la dernière phase de son essai clinique, lundi 27 juillet. Ce vaccin expérimental a déclenché des anticorps contre le coronavirus parmi les 45 participants suivis dans la première phase de l'essai en mai dernier. Il va désormais être testé sur 30 000 personnes : la moitié d'entre elles recevront une dose de 100 microgrammes, les autres un placebo. Les chercheurs les suivront ensuite pendant 2 ans pour déterminer si elles sont protégées contre une infection par le SARS-CoV-2. Ou si le vaccin peut empêcher la survenue des symptômes. L'étude devrait durer jusqu'au 27 octobre 2022, mais la firme espère une mise sur le marché avant la fin de l'année 2020 explique auprès de 20 Minutes le professeur Daniel Floret, président du comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé qui reste prudent : "Peut-être que l'essai montrera que le vaccin ne marche pas. Tout est possible."

Fabrication d'un vaccin : les grandes étapes

Les équipes de chercheurs avancent sur l'élaboration d'un vaccin contre le nouveau coronavirus, mais toutes sont unanimes : il va falloir plusieurs mois pour le mettre au point, il ne permettra donc pas d'enrayer l'épidémie de coronavirus actuelle. En effet, il ne suffit pas seulement de trouver la bonne formule, le vaccin doit ensuite être testé sur les animaux, puis sur les humains et ce, à chaque étape de son processus de fabrication. Au total, il faut compter entre 6 et 36 mois pour la production, le conditionnement et la livraison auprès des différents pays concernés qui vont à leur tour effectuer des contrôles de qualité. "Obtenir un vaccin efficace, non toxique et donc utilisable prend des mois voire plusieurs années. Cette épidémie va cependant permettre d'accélérer peut-être la mise au point d'un vaccin actif sur coronavirus, celui découvert à Wuhan en 2019 ou d'autres (comme on a déjà vu il y a 10 et 20 ans avec le SRAS et le MERS) ou au moins aider à optimiser la technique et le ciblage sur coronavirus", commente Mathieu Lafaurie, infectiologue à l'hôpital Saint-Louis.

"L'efficacité d'un vaccin ne peut se démontrer que sur le long terme."

Vaccin contre le coronavirus : quelle efficacité ?

Selon un porte-parole du service du Pr Didier Raoult, Directeur de l'IHU Méditerranée Infection, il n'est pas raisonnable de penser que le vaccin est une solution à court terme : "L'efficacité d'un vaccin ne peut se démontrer que sur le long terme. Il faut que des personnes vaccinées et non vaccinées contre le virus aient été exposées dans une zone à risque pour que l'on puisse démontrer que la population vaccinée a été moins touchée que la population non vaccinée. Or, cela demande nécessairement un temps long". Mais même si l'"on sait que la mise au point d'un vaccin, via les approches classiques, nécessite environ 18 mois, rétorque Nicolas Manel, directeur de recherche à l'Inserm au sein de l'unité "Immunité et cancer" de l'Institut Curie, la (relative) bonne nouvelle concernant ce virus, c'est qu'il est très stable génétiquement (à l'inverse du VIH par exemple) et les vaccins actuellement en cours de développement devraient être efficaces plusieurs mois, voire plusieurs années. Le virus va circuler par vague et pour les prochaines, nous disposerons du vaccin qui devrait nous permettre de circonscrire l'épidémie" assure l'expert dans un communiqué du 8 avril.

Vaccin contre le coronavirus : quand sera-t-il disponible ?

L'ex-Premier ministre Edouard Philippe avait indiqué le 19 avril qu'il n'y aurait pas de vaccin avant 2021. Ce qu'avait aussi annoncé l'Agence européenne du médicament (EMA) le 31 mars en indiquant "qu'il pourrait s'écouler au moins un an" avant qu'il ne soit prêt et disponible en quantités suffisantes. Mais si les résultats des essais cliniques en cours par l'Université d'Oxford sont positifs, le laboratoire Astrazeneca pourrait livrer des premières doses de vaccin avant la fin de l'année 2020, comme l'a indiqué Olivier Nataf, président d'AstraZeneca France, sur France Info le 14 juin. Dans un Avis du 24 juillet, le Conseil scientifique indiquait s'attendre à avoir "plusieurs dizaines de millions de doses de vaccins disponibles entre le dernier trimestre de l'année 2020 et le premier trimestre de 2021".

Les vaccins en cours de test

Face à un virus très contagieux et mortel pour les plus fragiles, la Commission européenne a débloqué 10 millions d'euros pour la recherche d'un vaccin et soutient un projet mettant en lien 300 hôpitaux et 900 laboratoires. Actuellement, 23 projets de vaccin sont en cours d'essais, selon la London School of Hygiene & Tropical Medicine, et plusieurs sont déjà passés à la deuxième voire la troisième phase, qui consiste à injecter le vaccin sur des milliers ou des dizaines de milliers de patients volontaires afin de vérifier s'il permet une protection immunitaire contre le virus. Le vaccin de l'américain Moderna et celui de l'université britannique d'Oxford alliée au laboratoire AstraZeneca sont parmi les plus avancés dans les essais à grande échelle. Parallèlement, plusieurs projets chinois sont en cours de test, notamment celui de CanSinoBIO et Sinovac Biotech au Brésil et en Indonésie.

• En France, une Task Force (force opérationnelle) a été mise en place à l'Institut Pasteur pour le développement de vaccins dès le début de l'épidémie. Plusieurs pistes ont été élaborées :

→ celle du vaccin de la rougeole (même famille de virus que le coronavirus SARS-CoV-2). La première consiste à assembler le génome du vaccin de la rougeole avec une partie de celui du coronavirus pour obtenir un dérivé de vaccin que tous les pays du monde savent produire. Des tests sur des souris ont commencé le 11 mars.

Vaccin BCG. Plusieurs essais cliniques confirment que le BCG, le vaccin contre la tuberculose renforcerait nos défenses immunitaires contre le coronavirus, a estimé l'Institut Pasteur de Lille qui a lancé une grande étude sur 1 000 personnes pour vérifier cette hypothèse. Plusieurs chercheurs dans le monde travaillent sur la piste du vaccin BCG anti tuberculose, contre le coronavirus. "Lorsqu'il y a une couverture vaccinale BCG importante dans un pays donné, nous nous apercevons que la gravité de la maladie Covid-19 est moindre", avait déclaré Laurent Lagrost, directeur de recherche à l'Inserm, sur LCI en avril. Ce que confirme une étude américaine publiée le 9 juillet dans la revue PNAS. D'après ses auteurs, "plusieurs associations significatives entre la vaccination par le BCG et la réduction des décès par COVID-19 ont été observées". Les personnes vaccinées contre le BCG ne seraient pas immunisées contre le SARS-CoV-2 mais moins à risque de développer une forme grave en stimulant la mémoire de l'immunité innée (première immunité à entrer en jeu face à une infection) et en induisant ainsi une 'immunité innée entraînée' expliquait l'Inserm dont les résultats avaient été été publiés dans la revue Cell Stem Cell

pays vaccination BCG et décès du COVID-19 Etats-Unis
A : Carte montrant la mortalité COVID-19 par million d'habitants dans les pays du monde (pays à mortalité faible en jaune, à élevée en rouge. C : Carte montrant la politique de vaccination du BCG en vigueur (bleu foncé), interrompu (bleu plus clair), et pays qui n'ont jamais mis en œuvre de programme de vaccination du BCG (jaune). © PNAS

celle des anticorps. Dans un communiqué du 15 avril, l'Institut Pasteur explique que son laboratoire Immunologie humorale recherche des anticorps capables de neutraliser le virus SARS-Cov-2. L'équipe dirigée par Hugo Mouquet va isoler des lymphocytes B mémoires spécifiques du virus à partir du sang de patients en rémission, puis les utiliser pour permettre la production d'anticorps monoclonaux qu'elle étudiera au cas par cas. L'équipe espère ainsi proposer des anticorps monoclonaux potentiellement thérapeutiques, et contribuer au développement d'un vaccin. 

Aux Etats-Unis, le 18 mai, le laboratoire américain Moderna, premier groupe à avoir lancé un essai clinique en vue de la conception d'un vaccin, a dévoilé des "données intérimaires positives" de la phase initiale de ses essais cliniques sur 45 personnes volontaires. Une réponse immunitaire a été identifiée chez 8 d'entre eux, d'après un communiqué du laboratoire publié dans le New England Journal of Medicine.  Le vaccin ARN messager testé par Moderna ne consiste pas à inoculer le virus (comme c'est le cas habituellement) mais une part du code génétique du virus. Un concept qui n'a jamais prouvé son efficacité contre d'autres virus. Les 45 participants à la phase 1 avaient été divisés en trois groupes de 15, auxquels des doses de 25 microgrammes, 100 microgrammes et 250 microgrammes ont été administrées. Ils ont reçu une deuxième dose, dans les mêmes quantités, 28 jours plus tard. Après la première administration, les niveaux d'anticorps étaient plus élevés avec les doses plus fortes ; après la deuxième, les participants avaient de plus hauts niveaux d'anticorps que la plupart des patients ayant eu le Covid-19 et ayant généré leurs propres anticorps. Plus de la moitié des participants ont expérimenté des effets secondaires légers ou modérés (fatigue, frissons, maux de tête et douleur là où le vaccin a été injecté).   La dernière phase de son essai clinique a débuté lundi 27 juillet. Ce vaccin expérimental a déclenché des anticorps contre le coronavirus chez les 45 participants suivis dans la première phase de l'essai. Il va désormais être testé sur 30 000 personnes : la moitié d'entre elles recevront une dose de 100 microgrammes, les autres un placebo. L'étude devrait durer jusqu'au 27 octobre 2022, mais la firme espère une mise sur le marché avant la fin de l'année 2020 explique auprès de 20 Minutes le professeur Daniel Floret, président du comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé qui reste prudent : "Peut-être que l'essai montrera que le vaccin ne marche pas. Tout est possible."

• Au niveau européen, la France, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas  ont lancé en juin l'Alliance européenne pour le vaccin contre le Covid-19. Son rôle : agir collectivement pour suivre les recherches les plus prometteuses, négocier des pré-accords avec les entreprises pharmaceutiques dans le but d'assurer la production d'un vaccin en Europe, à un prix juste. L'initiative a été présentée le 3 juin à Bruxelles en présence du ministre de la Santé Olivier Véran et de la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances Agnès Pannier-Runacher. Cette alliance a signé un accord le 13 juin avec la laboratoire Astrazeneca pour la fourniture de 400 000 millions de doses d'un vaccin baptisé AZD1222 actuellement en test clinique par l'Université d'Oxford sur plusieurs milliers de patients au Royaume-Uni, au Brésil et aux Etats-Unis, des pays où le virus circule encore beaucoup. Il s'agit d'un vaccin "sur la base d'un vecteur viral, explique Olivier Nataf,  président d'AstraZeneca France à France InfoVous prenez un virus qui est inactivé, on change son code génétique pour insérer le code génétique qui va permettre de produire la protéine du coronavirus. En produisant cette protéine, le patient va pouvoir développer une réponse immunitaire contre la protéine caractéristique du coronavirus." Cette protéine s'appelle "Spike" et elle permet au Sars-CoV-2 de pénétrer dans les cellules. "Les études que nous menons en ce moment nous permettront d'avoir des résultats à l'automne", assure Olivier Nataf. S'ils sont concluants, le vaccin pourrait commencer à être distribué avant la fin de l'année 2020. "AstraZeneca reconnaît que le vaccin pourrait ne pas fonctionner, mais s'engage à faire progresser le programme clinique avec rapidité", précise l'entreprise dans un communiqué (en anglais)

• En Chine, le laboratoire CanSino Biologics a annoncé le 22 mai des résultats prometteurs d'un vaccin recombinant à adénovirus de type 5 (Ad5), en obtenant un "début" d'immunité chez l'humain (108 participants) : "Les anticorps ELISA et les anticorps neutralisants ont augmenté de manière significative au jour 14 et ont culminé 28 jours après la vaccination" indique Wei Chen, l'auteur principal de l'étude parue dans la revue médicale The Lancet. Les essais sont passés en phase II ce qui pourrait produire des résultats en juillet annonce les autorités chinoises. Il s'agit de la deuxième des trois étapes des tests sur l'homme à valider avant toute commercialisation. Aucune date de commercialisation n'a toutefois été avancée par la Chine.

• En Allemagne, le Centre de recherche sur les infections (DZIF) travaille sur le codage génétique, soit l'utilisation des parties spécifiques du virus SARS-CoV-2 contre lesquelles le corps humain peut développer des anticorps. "Les scientifiques ont identifié un élément constitutif approprié du coronavirus – une protéine de pointe -, à la surface du nouveau coronavirus. Cette protéine est utilisée par le virus pour pénétrer les cellules humaines. En conséquence, le système immunitaire peut identifier ces protéines comme "étrangères", ce qui stimulerait une réponse immunitaire et la production d'anticorps et de cellules T spécifiques contre la protéine de pointe" détaille un communiqué du DZIF le 9 mars. L'entreprise allemande BioNTech et le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer ont annoncé le 1er juillet des résultats préliminaires positifs pour leur projet commun de vaccin BNT162b1 contre le Covid-19 : ce vaccin "est capable de générer une réponse d'anticorps neutralisants chez les humains à des niveaux supérieurs ou égaux à ceux observés dans les sérums convalescents et il le fait à des doses relativement faibles", a indiqué le directeur général de BioNTech, Ugur Sahin. Les données préliminaires sont issues d'un essai dit de phase 1/2 réalisé aux Etats-Unis sur 45 personnes de 18 à 55 ans. La plupart ont reçu deux doses à 21 jours d'intervalle, soit du vaccin, soit d'un placebo, sans le savoir. L'essai visait à vérifier que le vaccin n'était pas toxique et déclenchait une réponse du système immunitaire pour préparer le corps à résister au virus. les résultats sont donc positifs, mais le vaccin a entrainé de la fièvre après l'injection d'une seconde dose. 

Collaboration internationale : les laboratoires Sanofi et GSK travaillent au développement d'un vaccin avec adjuvant contre le COVID-19, en unissant leurs technologies. "La combinaison d'un antigène protéique (apporté par Sanofi) et d'un adjuvant (dont GSK a la maîtrise) est une procédure fiable, utilisée dans plusieurs vaccins déjà commercialisés" annonçaient-ils le 14 avril. Il consiste en l'ajout d'un adjuvant à certains vaccins pour renforcer la réponse immunitaire, et crée ainsi une immunité plus forte et plus durable contre les infections que le vaccin sans adjuvant.

Qui serait vacciné en premier ?

Dans un Avis publié le 24 juillet, le Conseil scientifique Covid-19 indique qu'il faut dès maintenant préparer une stratégie vaccinale. "Le ciblage des populations prioritaires est crucial".  Parmi ces populations en France (Hexagone et Outre-mer), se trouvent environ 6,8 millions de personnes à risque d'exposition professionnelle avec une "priorité très élevée". Parmi les autres groupes prioritaires, les personnes exposées du fait de leur âge ou de leur état de santé, soit environ 23 millions de personnes en France, celles en grande précarité (environ 250 000 personnes), celles exposés par leur emploi au contact de la population (commerçants, aides à domicile, enseignants, chauffeurs de bus) ou travaillant en milieux confinés à risque (abattoirs, taxis/VTC, ou encore croisières) ou ayant un hébergement confiné à risque (travailleurs migrants, site de construction…).

Merci au Dr Mathieu Lafaurie, infectiologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris et au porte-parole du service du Pr Didier Raoult, Directeur de l'IHU Méditerranée Infection.

Sources :

Inserm, Les cellules souches sanguines ont une mémoire immunitaire et ouvrent des pistes dans la recherche sur le Covid-19, 12 mai 2020.

Institut Curie, Nicolas Manel, Covid-19 et immunologie

Institut Pasteur, les projets de recherche sur le coronavirus.

Centre de recherche Allemand sur les infections (DZIF), développement de vaccins contre le SARS-CoV-2.

Sanofi, Sanofi et GSK s'associent pour lutter contre le COVID-19, communiqué du 14 avril 2020.

Source www.journaldesfemmes.fr

Djenabou Balde