« L’excision est interdite au niveau de l’article 405… », Dixit Aly Touré, substitut du Procureur de Mafanco,

« L’excision est interdite au niveau de l’article 405… », Dixit Aly Touré, substitut du Procureur de Mafanco,

Malgré son interdiction, ses effets néfastes, l’excision continue d’être pratiquée en Guinée. Aly Touré, Substitut du procureur du Tribunal de première instance de Conakry II (Mafanco), a accordé une interview à notre confrère du site guineenews.org. Au cours cette interview, le Substitut du procureur du Tribunal de Mafanco a expliqué les peines prévues contre les personnes impliquées dans les mutilations génitales féminines, mais aussi les contraintes qui pèsent sur les magistrats chargés d’appliquer la loi. Lisez l’intégralité !!!

Guineenews : Beaucoup de jeunes filles sont victimes d’excision. Qu’est-ce la loi a prévu contre cette pratique ?

Aly Touré : D’abord, il faut savoir que l’excision est une pratique que les gens ont coutume de faire chez nous. Et depuis longtemps, ils ont considéré que cette pratique est un fait normal de société. Alors, puisqu’on a vu les conséquences néfastes, négatives de ces genres de pratiques, le législateur guinéen a entendu sanctionner cette pratique. Le code ne dit pas exactement l’excision, mais il étend ces pratiques à toutes formes de mutilations génitales exercées sur la personne d’une fille.

Quand c’est comme ça, le législateur guinéen a entendu parler de mutilations génitales toute ablation d’un organe de quelque nature que ce soit, commise sur la personne d’un enfant. Et quand c’est comme ça, le code pénal a puni et le code de l’enfant a repris les mêmes dispositions avec beaucoup de sévérité. Les étapes que le code de l’enfant a suivies c’est d’abord procéder à l’interdiction de cette pratique parce que les gens avaient ancré ça dans leurs coutumes. Donc dire d’abord que cette pratique est interdite au niveau de l’article 405 et les articles qui suivent renvoient la sanction par rapport à toute forme de mutilations génitales féminines.

La loi punit ce genre d’infraction d’une peine d’emprisonnement allant d’un an à cinq ans en fonction des cas et une amende allant de 100 mille à 2 millions 500 mille GNF. Ça aussi c’est en fonction de la gravité des cas.

 Malgré cette interdiction, la pratique existe toujours. Est-ce que vous, au niveau de la justice, vous avez eu à gérer certains cas d’excision ?

Comme vous l’avez dit, malgré l’interdiction et au-delà, malgré la sanction qui est liée à toute personne qui se rendrait coupable de ce genre d’acte, nous remarquons aussi que ce genre de mutilations génitales féminines est en train toujours d’être exercé dans notre société. Depuis que je suis au tribunal de Mafanco, nous avons eu à gérer trois cas. Nous avons eu le cas d’une vielle dame âgée de 62 ans. Le deuxième cas c’est une vielle âgée de 73 ans. Le troisième cas, c’était une femme âgée d’une cinquantaine d’années. Pour tous ces trois cas on a reçu la pression de la société.

Ce qui fait la particularité de cette infraction c’est que dès que vous recevez ce genre de procès-verbaux, vous avez toute suite la société sur votre dos, parce qu’il y a des gens qui pensent encore que cette pratique est traditionnelle et qu’il faut continuer de la faire. Donc ils viennent à l’effet de stopper la procédure à l’endroit des personnes qui sont poursuivies.

Mais puisque nous sommes chargés d’appliquer la loi, nous sommes des garants dans l’application de cette loi, on est obligés de l’appliquer quelles que soient les pressions, d’où qu’elles puissent venir.

Donc nous avons tenu et nous sommes partis jusqu’au fond et ces trois dossiers ont abouti à des peines de condamnation. Vous savez, la peine a un caractère personnel et individuel. Vous ne pouvez pas infliger la même peine à un prévenu qui a 25 ans et à un autre qui a 70 ans, 80 ans.

Il n’y a que des vielles personnes qu’on nous défère et qui sont généralement ciblées pour ce genre d’actes. Nous, en fonction de la personnalité du prévu, puisque la loi a prévu une fourchette de peines, c’est-à-dire un intervalle dans lequel il faut circonscrire la peine, nous prononçons la peine en fonction du prévenu qui est devant nous. Ce qui explique que les trois dames qui ont comparu devant notre tribunal, la sanction  la plus élevée c’était la peine de deux ans de prison ferme.

 Est-ce qu’elles sont toutes allées en prison ?

Non. Il y a une qui a été condamnée avec sursis. C’est cette vielle qui a 73 ans. Je me rappelle exactement. Elle a bénéficié d’un sursis dû à son état physique, parce qu’elle était très fatiguée. Même à la barre elle se tenait difficilement. Il a fallu que deux gardes viennent la soutenir pour qu’elle puisse tenir débout. Donc c’est un avertissement qu’on lui  a donné, suspendu sur sa tête l’épée de Damoclès avec le sursis.

Donc les deux autres sont en prison ?

Je crois qu’elles ont fini de purger leurs peines. Parce que les cas dont je vous parle remontent à 2013 et 2014.

 Quand il y a mutilations génitales, il y a souvent une complicité. Pourquoi c’est seulement ces dames-là qui ont été à la barre ?

Malheureusement l’enquête n’a pas révélé d’autres personnes que celles qui sont venues, parce qu’elles se recroquevillent dans un mutisme total. Lorsque vous leur demandez, elles vous disent que ce sont leurs petites filles et que l’initiative vient d’elles. Donc vous savez que la société traditionnelle africaine, quand les vieilles personnes parlent on n’ose pas les contredire. Et souvent, c’est elles seules  qui sont mises en cause.

Guineenews.org

Djenabou Balde