Les mutilations génitales féminines peinent à reculer dans le monde

Les mutilations génitales féminines peinent à reculer dans le monde

L’institut national d’études démographiques brosse un état des lieux des connaissances de ces violences faites aux femmes et fait un bilan mitigé des actions visant à enrayer ces pratiques.

Plus les études se multiplient sur les mutilations génitales féminines (MGF), plus elles révèlent l’ampleur sous-estimée du phénomène à l’échelle planétaire. La condamnation de ces pratiques au niveau international et leur interdiction et pénalisation dans un nombre croissant de pays ne suffisent pas à les enrayer. Et la lutte a parfois ses revers. Tels sont brossés à grands traits les constats de l’étude publiée le jeudi 29 septembre 2016 par l’institut national d’études démographiques (Ined) dans sa revue Population (1).

200 millions de femmes concernées La féministe américaine Fran Hosken fut l’une des premières à mener un combat contre ces MGF longtemps considérées comme une pratique rituelle dont l’ancienneté pourrait remonter à l’Egypte antique. Dans son rapport paru en 1979, elle estimait alors à 80 millions le nombre de femmes et de fillettes mutilées en Afrique. Depuis, rappellent les deux auteures de l’étude, Armelle Andro et Marie Lesclingand, de nombreux travaux ont cherché à mieux cerner l’ampleur de ces pratiques de mutilation. L’Unicef estime dorénavant que 200 millions de femmes sont mutilées dans le monde. Et aux 27 pays africains se sont ajoutés le Yémen, l’Irak et l’Indonésie où ce qui a longtemps été ignoré une femme sur deux serait concernée.

– Une question de santé publique mondialisée

Les pays du Nord ne sont pas épargnés au travers des femmes immigrées venues de ces pays. « La globalisation des flux migratoires a transformé cette pratique en question de santé publique mondialisée », estiment les auteurs qui relèvent d’ailleurs que l’exposition au risque de MGF est devenue un motif recevable de demande d’asile dans plusieurs pays européens.

– Des interdictions dans 25 pays

Vingt-cinq des trente pays les plus concernés ont adopté des lois ou décrets pour enrayer ces pratiques. Pourtant les politiques de lutte sont loin de toujours porter leurs fruits. Tout d’abord, il semble que dans certains pays à forte prévalence, la pénalisation croissante entraine plus une baisse de la déclaration de la pratique qu’une réelle diminution de cette dernière. Le risque de stigmatisation sociale et d’exclusion du marché matrimonial des filles non mutilées réputées « sales » ou « obscènes » peut l’emporter sur les risques de sanction morale (culpabilité de faire subir une telle violence à leurs filles) ou juridique.

– Une tendance très variable à la baisse de la pratique

La baisse est d’autant plus marquée que la pratique n’est pas généralisée dans le pays. Ainsi la proportion de femmes mutilées âgées de 15 à 49 ans a chuté de 43 % à 24 % entre 1994 et 2010 en République centrafricaine. Au Kenya, où la pratique minoritaire a notablement reculé, une majorité de femmes sont dorénavant des partisanes de l’abandon de la pratique. Inversement, la résistance est forte dans les pays où les MGF sont une norme à laquelle il reste difficile de déroger et où les femmes mutilées sont, elles-mêmes, beaucoup plus favorables à la poursuite de la pratique que les autres. Au Mali, en 17 ans, la prévalence n’a reculé que de cinq points (94 % à 89 %). En Égypte, en 19 ans, elle est passée seulement de 97 % à 92 %.

– La médicalisation de la pratique est préoccupante

C’est aussi en Égypte, mais aussi au Sud-Soudan, au Kenya, au Nigeria, en Guinée, au Yémen et en Indonésie, que les MGF sont de plus en plus médicalisées et par là-même légitimées, même si le recours aux services de santé est interdit. C’est le cas de 30 à 80 % des femmes dans ces pays. Cette évolution « préoccupante », soulignent les auteures, serait l’effet contre-productif des campagnes qui ont sensibilisé dans le passé aux risques d’hémorragies ou d’infection des MGF alors essentiellement pratiquées par des exciseuses traditionnelles, suggérant alors que les risques seraient réduits dans un cadre médical plus sécurisant. Au bout de trente ans de mobilisation, les auteures reconnaissent que les changements sont lents, qu’il faudra du temps pour mesurer les évolutions et surtout que la lutte pour être fructueuse ne peut pas être uniforme.

Source: la-croix.com

Djenabou Balde