A Chypre, des villageois sous le choc devant leur montagne carbonisée

A Chypre, des villageois sous le choc devant leur montagne carbonisée

« Prends notre fille, la voiture et pars »! Vaso a fui dans la précipitation son village d’Odos, cerné par les flammes d’un énorme incendie de forêt à Chypre attisé par la chaleur et les vents forts.

Alors que quatre personnes ont perdu la vie dans l’incendie déclenché samedi dans le sud du pays et quasiment maîtrisé dimanche, la cinquantenaire, les yeux dans le vide et sous une âpre odeur de brûlé, scrute les flancs noircis des montagnes sur lesquels donne sa maison.

De ce secteur du massif du Troodos, le principal poumon vert de l’île méditerranéenne, il ne reste que des cendres brûlantes et des arbres calcinés.

Lorsqu’elle a appris qu’un incendie s’était déclaré dans le village voisin, Vaso raconte à l’AFP s’être aussitôt mise sur ses gardes.

« Vingt minutes plus tard, j’ai vu les flammes. Mon mari m’a dit (par téléphone) +Prends notre fille, la voiture et pars+. On a averti les autorités et on a pris la route, mais malheureusement les secours sont arrivés tard. »

A quelques centaines de mètres de chez elle, quatre Egyptiens ont été retrouvés morts. Leur voiture calcinée a plongé dans un ravin le long d’un chemin de terre.

Les victimes, prises au piège, avaient quitté leur véhicule juste avant pour fuir à pied, mais sont parties dans le sens du vent et ont été rattrapées par les flammes 600 mètres plus loin sur les hauteurs, explique à l’AFP un policier sur place.

Les quatre travailleurs égyptiens ont été retrouvés par hasard par les sapeurs-pompiers qui tentaient de maîtriser l’incendie.

– « J’ai eu très peur » –

Plus bas sur ce chemin difficilement praticable, cinq jeunes Indiens observent, hébétés, l’étendue des dégâts.

« On a vu les flammes et on est partis vers Nicosie » raconte Aman, 22 ans. Résident d’Odos depuis deux ans, il est revenu sur place dimanche.

« C’est extrêmement triste », ajoute-t-il, tout en se disant rassuré que sa maison et celles de ses proches n’ont pas été endommagées.

A cinq kilomètres de là, à Arakapas, le village où s’est déclaré l’incendie, les habitants sont revenus constater les dégâts.

« J’ai pleuré tout le long de la route en découvrant les paysages », explique Andria, 30 ans, originaire du village.

Sur le trajet, le noir couleur charbon a remplacé le jaune des herbes sèches. De nombreux oliviers, emblématiques de l’île, ne sont plus que des squelettes.

« J’ai eu très peur et je suis toujours sous le choc », poursuit Andria, les mains tremblantes en buvant un café.

Le président Nikos Anastasiades a déclaré sur place que l’incendie était le « plus vaste » observé sur l’île depuis des décennies. Plus de 55 kilomètres carrés ont été ravagés.

« Des vies, des propriétés, des terres et des forêts ont été perdues. Le gouvernement va aider immédiatement les victimes et leurs proches », a promis le président, ajoutant qu’une estimation des dégâts était en cours.

Une dizaine de villages ont été évacués et une cinquantaine de maisons détruites, selon les autorités. En outre, un élevage de plus de 50.000 poulets a été décimé par les fumées, selon des employés.

– « Pire incendie » –

« C’est le pire incendie de ma vie, je n’ai jamais vu ça, c’est terrible », affirme de son côté à l’AFP Giorgou Herculis, avant de fondre en larmes.

Assis au café du village, ce Chypriote de 80 ans qui a passé sa vie à Arakapas ne lève les yeux que pour observer les hélicoptères et les Canadairs survolant la zone.

Plus de 24 heures après le début du sinistre, le directeur du département des forêts, Charalambos Alexandrou, a dit espérer que l’incendie, qualifié de « cauchemar », serait « sous contrôle » d’ici lundi matin, alors que des renforts venus de Grèce et d’Israël se sont joints aux efforts.

Des braises toujours fumantes clairsemant la montagne tandis que les températures avoisinent toujours les 35 degrés celsius en soirée.

Akis Giorgiou, 45 ans, « resté au village pour protéger (sa) propriété », se dit « soulagé » après l’extinction des flammes dans le secteur. « C’était un cauchemar, un enfer. Les flammes cernaient tout Arakapas. »

https://www.rtl.be/

Djenabou Balde