Excision, viol, mariage forcé : l’auteur Binta Anne brise les tabous !

Excision, viol, mariage forcé : l’auteur Binta Anne brise les tabous !

binta-ann-auteure-et-enseignanteLors de leurs reportages en Guinée aux « 72 Heures du livre », lefigaro.fr s’est interéssé à une femme ecrivaine guineenne, qui est reconnu pour son action sociale envers les enfants et leurs mamans. Elle s’appelle Binta Ann, fondatrice d’ONG Fonbale « Fonadation Binta Ann pour les enfants et les femmes », ecrivaine militante engagée pour la cause des enfants et des femmes. Lisez ce reportage !

En Guinée, les femmes éduquées veulent écrire pour témoigner !

En République de Guinée, où la situation des femmes est encore plus difficile, Binta Ann se sert elle aussi de l’écriture pour dénoncer. Personnalité incontournable des 72 Heures du livre, elle enchaîne les interviews et les poignées de mains. Reconnue pour son action sociale envers les enfants et leurs mamans, elle fait aussi partie de celles qui ont inscrit leur nom dans la littérature guinéenne. En 1998, elle écrit Awa la petite mendiante qui fera l’objet d’un court-métrage réalisé par l’Unicef, puis elle publie Les Enfants soldats et enfin Le Mariage par colis (1) paru en 2004 et réédité début 2016.

En écrivant, nous apprenons à redevenir des êtres humains

Dans ce roman, l’auteure traite des mariages arrangés, encore monnaie courante en Guinée. « Chez nous, les familles organisent tout. Les filles et les garçons se retrouvent piégés. Moi par exemple, on m’a envoyée en France pour étudier mais aussi pour me marier. Mais heureusement le garçon avait déjà une fiancée alors je suis partie vivre chez une tante », évoque-t-elle avec un brin d’ironie. Expédiées comme des « colis » vers une destination lointaine, les jeunes femmes n’ont pas toujours cette chance et certaines se retrouvent sans papiers, à la merci de leur époux. « Les mariages arrangés servent aussi à dissimuler des grossesses et puis la polygamie se pratique encore couramment. Elle est d’ailleurs liée à l’excision. Quand un homme n’est pas satisfait sexuellement parce que sa femme souffre pendant les rapports, il en épouse une nouvelle et ainsi de suite », déplore Binta Ann qui a grandi dans une famille polygame.

À 41 ans, celle qui lutte pour les droits des femmes et des enfants reste optimiste. « Les femmes de ma génération et les plus jeunes, qui ont étudié et voyagé, veulent parler et témoigner. Plus on se forme, plus on est éduquée et plus nous avons la possibilité de peser dans la société. Avant, nos mères n’avaient même pas une minute pour souffler. Elles se levaient à l’aube pour aller vendre quelques victuailles sur le bord de la route et gagner de quoi nourrir leurs enfants. Elles s’occupaient de tout. Maintenant, nous avons un peu plus de temps pour souffler, nous divertir et réfléchir. En écrivant, nous apprenons à redevenir des êtres humains », analyse l’écrivaine et enseignante au lycée français de Conakry.

Revenue vivre sur sa terre natale en 2012, après des années passées en France et aux États-Unis, cette spécialiste de la petite enfance a créé une fondation pour la défense des droits des femmes et des enfants. « J’ai créé la fondation Binta Ann Fonbale en 2008 dans le New Jersey où je vivais à l’époque. Là-bas il y a une forte communauté guinéenne et de nombreuses familles perpétuent la tradition de l’excision. Les filles la subissent lors des vacances d’été en Guinée. De retour aux États-Unis, elles ont pour consigne de n’en parler à personne et surtout pas à leurs professeurs. »

annExcisée à l’âge de 13 ans, Binta Ann aborde le sujet sous toutes ses facettes. Jeunes filles, parents, anciennes exciseuses, imams, professeurs, les réunions qu’elles animent réunissent tout le monde. « En Guinée, où le taux de prévalence des mutilations génitales est de 97%, on n’excise plus seulement pour la tradition mais aussi pour des raisons commerciales. L’excision est l’occasion de faire la fête pour tout le village et c’est aussi un métier pratiqué par des femmes qui en vivent. Nous devons donc agir pour réinsérer les exciseuses et les former à une autre activité », explique-t-elle.

En Guinée, petit pays qui tire son nom du mot « djiné », qui veut dire femme en langue soussou, elles sont encore peu nombreuses à prendre la plume. Pour Sensy Kaba Diakité fondateur et organisateur des « 72 Heures du livre », « les femmes ont beaucoup à dire et les hommes auraient beaucoup à apprendre s’ils les écoutaient davantage ».

Avec lefigaro.fr

Djenabou Balde